En juin et en avril 2024, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a prononcé deux sanctions liées, l’une, à des insuffisances dans le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et, l’autre, à des manquements aux obligations de vigilance constante.

Ces sanctions confirment l’attention constante du régulateur sur ces enjeux. Et la création de l’AMLA en 2021 apporte une preuve supplémentaire de cette vigilance à l’échelle européenne.

Une autorité européenne de régulation au service la LCB-FT 

Le cadre réglementaire, considérablement renforcé au cours des dernières années, s’est enrichi d’une nouvelle autorité de régulation, désormais opérationnelle : l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux (Authority for Anti-Money Laundering and Countering the Financing of Terrorism ou AMLA).

En juillet 2021, la Commission européenne a présenté une série de mesures destinées à renforcer les réglementations de l’Union européenne relatives à la LCB-FT. Parmi ces mesures figure la création de l’AMLA. Cette autorité a pour mission de coordonner et harmoniser les dispositifs LCB-FT des institutions financières à l’échelle européenne. Cette surveillance transversale permet une meilleure compréhension des risques et facilite le rôle de supervision de l’AMLA sur les autorités nationales.

L’AMLA doit jouer un rôle central dans la lutte contre le blanchiment d’argent. Elle peut exiger des documents et informations des entreprises et particuliers, effectuer des contrôles et prononcer des sanctions administratives et financières. En cas de manquement, ces sanctions pourront atteindre jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel de l’entité concernée pour l’exercice précédent. L’AMLA est pleinement opérationnelle depuis janvier 2024, avec une surveillance directe débutant en 2026.

La création de l’AMLA répond à la volonté des régulateurs d’uniformiser les pratiques à travers l’Europe, en comblant les lacunes entre les différents systèmes nationaux de contrôle. Il s’agit de prévenir les disparités susceptibles d’être exploitées par des acteurs malveillants cherchant à contourner les systèmes de surveillance moins stricts. Ainsi les institutions financières doivent anticiper et s’adapter à ces évolutions pour rester conformes tout en maintenant leur compétitivité.

Approfondir la connaissance client pour renforcer la proposition de valeur

Les établissements financiers doivent mettre en place des dispositifs de maîtrise des risques efficaces, robustes et efficients pour prévenir et remédier aux risques de non-conformité.

Un dispositif LCB-FT solide permet d’assurer un bon niveau de qualité de la donnée. Cette qualité de donnée peut constituer un puissant atout à mettre au service de la stratégie de développement. En effet, assurer une meilleure connaissance client, imposée par la réglementation, permet un meilleur ciblage commercial et une meilleure maîtrise des risques financiers.

La prise en compte des informations négatives est aussi essentielle pour identifier les clients ayant un niveau de risque élevé, justifier les obligations de vigilance en matière de KYC (Know your customer) et ainsi éviter d’éventuelles sanctions pour manque de vigilance. L’ACPR a rappelé que l’utilisation d’un outil automatisé de filtrage des informations négatives n’est pas obligatoire, mais reste un point critique dans la vérification de la connaissance client.

En plus de ces mesures, les acteurs du secteur financiers doivent constamment surveiller et évaluer l’efficacité de leurs systèmes de contrôle interne. Des audits réguliers et des évaluations indépendantes permettent d’identifier les lacunes et d’apporter les améliorations nécessaires afin d’être conforme à la réglementation.

Les organismes financiers doivent développer des processus continus d’évaluation et d’amélioration des pratiques de KYC. Cela nécessite l’intégration de technologies de pointe pour automatiser et affiner les analyses. Cela nécessite aussi d’investir dans la formation du personnel pour qu’il soit au fait des pratiques et réglementations en vigueur.

De nouveaux outils pour une vigilance constante

L’une des principales fonctions de l’AMLA est d’assurer une surveillance renforcée des grands groupes.

Afin d’assurer une vigilance constante, les organismes financiers de taille importante peuvent mettre en place des outils qui assurent à la fois la connaissance client et la détection des transactions suspectes. Des éditeurs de solutions financières proposent des outils intégrant l’intelligence artificielle pour améliorer la surveillance en temps réel. L’intégration de technologies avancées, telles que le machine learning, permet de traiter efficacement de grandes quantités de données, offrant une vue d’ensemble plus précise et rapide des profils de risque des clients.

Ces technologies avancées permettent également d’anticiper et de détecter les comportements frauduleux avant qu’ils ne se matérialisent en risques réels. Par exemple, les algorithmes de machine learning peuvent identifier des schémas et anomalies dans les transactions qui pourraient indiquer des tentatives de blanchiment d’argent ou d’autres activités illégales. De plus, les systèmes de blockchain augmentent la traçabilité et la transparence des transactions, réduisant ainsi les opportunités de contourner les systèmes de surveillance.

Ces innovations ouvrent la possibilité de transformer les défis réglementaires en opportunités de croissance et d’amélioration continue des services offerts aux clients. Les organismes financiers peuvent ainsi mieux cibler leurs offres et produits, optimiser leur gestion des risques, et in fine, fidéliser leur clientèle tout en préservant leur intégrité.

Relever le défi de l’équilibre entre conformité et développement

Atteindre un équilibre entre conformité et opportunités de développement est un défi pour les acteurs du secteur financier. D’une part, les exigences réglementaires imposent une rigueur dans la gestion des données clients et des transactions. D’autre part, la concurrence conduit ces institutions à innover et à offrir des services de plus en plus personnalisés, ce qui devient un avantage concurrentiel si leur stratégie de conformité est alignée avec leurs objectifs de croissance.

En combinant innovation technologique et rigueur dans la mise en œuvre des réglementations, ils peuvent non seulement répondre aux attentes des régulateurs, mais aussi créer de la valeur ajoutée à la fois pour leurs activités et pour leurs clients.